Faits-divers d'autrefois
La presse d'autrefois a d'abord servi à annoncer les adjudications, les faillites, les ventes... Progressivement, les réclames s'y sont insérées, en même temps que les billets d'humeur du journaliste - rédacteur - imprimeur. Peu à peu, celui-ci raconte les faits de la ville, et très vite les faits-divers. Nous passons de la création de fontaines au meurtre le plus sanglant.
Laissez-vous conter l'histoire de votre ville et de ses alentours à travers la presse charentaise conservée à la bibliothèque municipale de Cognac. Découvrez ci-dessous des articles extraits de "L'Indicateur de Cognac", dont le plus ancien numéro date de 1837.
L'inauguration de la salle de théâtre, dimanche 26 août 1838
extrait de "L'indicateur de Cognac : journal commercial, littéraire, agricole..."
Il faut donc que nous parlions du théâtre et de son inauguration ? Comment ! La ville possède un édifice qui était depuis longtemps l’objet de ses plus vifs désirs, qui lui assure un rang parmi les villes de plaisirs et de distractions, qui fait enfin disparaître cet aspect de village, ce calme plat qui en faisaient le séjour le plus insipide possible, et le journal de la localité n’en dirait rien, ne ferait pas mention d’un si grand progrès ? Non, nous ne méconnaîtrons pas à ce point nos devoirs, et tout en regrettant de n’avoir pas à en rendre un compte plus flatteur et surtout plus en harmonie avec nos sentiments et nos prévisions, nous dirons un mot des trois représentations qui nous ont été données.
Et d’abord, nous devrions peut-être parler de la salle, entrer dans quelques détails sur ses beautés et sur ses défauts (qui n’a pas de défauts ?) mais nous n’en ferons rien, car outre que nous pourrions faire erreur dans cet examen, nous sommes trop fortement convaincu qu’elle est au-dessus de ce que l’on devait attendre, pour la soumettre à une critique que, selon nous, personne n’a le droit de lui faire subir. Seulement nous dirons que la fraîcheur, l’élégance des loges, la beauté du lustre, la richesse et la gracieuseté des peintures et particulièrement de celles de la coupole, sont remarquables. En un mot l’aspect intérieur de cette salle nous a ravi et a excité au plus haut degré notre satisfaction. Nous pensons que ce sentiment a été partagé par tous les spectateurs, et que l’auteur du billet qui a été jeté sur la scène et lu par le directeur, a été l’interprète fidèle de l’opinion publique. Cependant, il faut le dire, aucune démonstration de surprise ou d’admiration n’est venue justifier notre opinion. Le parterre, ce juge si ordinairement si actif et si prompt à rendre ses arrêts bons ou mauvais, semblait avoir fait abnégation de ses droits et presque de ses facultés. À la levée du rideau, de fraîches et élégantes décorations paraissent et pas la moindre émotion ne se manifeste ! Certes nous ne sommes pas partisan de ces applaudissements outrés qui ont l’air quelquefois d’une cabale, mais il nous semble qu’il est des circonstances où de bienveillantes démonstrations sont une prime d’encouragement à laquelle le zèle et le bon vouloir, même en l’absence de talents supérieurs, ont des droits incontestables. Mais rien ! Le talent et le zèle n’ont recueillis que les fruits amers de l’indifférence !
C’est dimanche 19 qu’a eu lieu la première représentation composée de la dame blanche, opéra comique. Déjà des loges étaient louées d’avance, des places de pourtour retenues, et tout devait croire à une foule immense. L’enthousiasme semblait porté à son comble. Chacun paraissait attendre avec impatience l’ouverture de la porte. Cependant l’heure arrive, on ouvre et quand la toile se lève, beaucoup de places restent encore vides... Toutefois, il y avait assez de spectateurs pour offrir un coup d’oeil d’autant plus ravissant qu’il avait, pour la localité, tout le charme de la nouveauté.
La froideur avec laquelle le parterre avait passé l’inspection de la salle, devait donner la mesure de l’accueil qui attendait les acteurs. Mais s’il a jugé à propos de se taire, nous ne sommes pas forcé de confirmer son jugement. Qu’il nous soit donc permis de rendre aussi le nôtre. Nous avons été satisfait de la manière dont la pièce, peut-être u peu difficile pour la troupe, a été conduite. La voix fraîche quoique pas assez quelquefois ménagée, de la première chanteuse et ses manières distinguées, ont généralement plu. Le ténor, sans avoir une voix très étendue, a assez de goût pour en tirer un bon parti. Nous dirons presque le contraire de la basse-taille : il a une belle voix, mais il ne la dirige pas toujours avec tout l’art désirable. Avec du travail, il peut arriver à quelque chose de très bien.
Mardi a eu lieu la deuxième représentation. Dans la première pièce Elle est folle, le rôle du fou a été bien rempli par M. Emile ; il y a quelque chose de creux, de sinistre dans sa voix brève et saccadée qui donne à ses paroles cet air de vérité et de naturel qui favorise singulièrement son jeu. On lui trouve quelque chose de boccage.
Dans la seconde pièce, L’Étudiant, et la grande dame, M. Poirier s’est montré bon comique. Corbineau a été justement applaudi. Nous ne devons pas non plus oublier la jeune Corine qui annonce les plus heureuses dispositions.
Mais si nous abandonnons un instant la scène, pour porter nos regards dans la salle, quel triste aspect se présente ! Les loges presque toutes vides, le parterre à moitié garni, en un mot, le calme et le désert remplacent le mouvement et l’animation qui régnaient dimanche ! La plupart des personnes qui avaient témoigné le plus d’impatience de voir achever la salle qu’elles devaient contribuer à orner, ont été sourdes à l’appel des artistes. Les loges étaient là tristement fermées et froides comme un corps sans vie ! Ce nouveau temple des arts qui devait les délices de la société cognaçaise, serait-il donc déjà sacrifié à d’autres distractions ? Thalie aurait-elle quelque rivale préférée ? Ou bien l’indifférence a-t-elle remplacé cette enthousiasme qui semblait inaltérable ? Nous partageons avec beaucoup de personnes l’étonnement que cause un pareil résultat.
Enfin est arrivée la troisième représentation ; même rareté de spectateurs, et par conséquent même exiguïté de la recette. Cependant le spectacle annoncé était de nature à faire espérer nombreuse société. La fête du village voisin, opéra comique et Renaudin de Caen, devaient attirer les amateurs. Du reste ces deux pièces ont été bien rendues et l’on a généralement été satisfait. M. Ménard dans le rôle de Henry a bien chanté, et surtout ce morceau difficile : vous riez. Renaudin de Caen ressemblait bien un peu à Corbinaud, mais il a beaucoup fait rire. Au surplus, on doit d’autant moins lui reprocher d’être toujours le même rôle. On ne cite que Bouffé qui fasse pleurer et pouffer de rire dans la même soirée.
Qu’il nous soit permis maintenant d’ajouter un mot de réflexion sur cette espèce d’abandon que l’on semble vouer au théâtre dès son ouverture.
Nous ne voulons point ici faire la guerre aux personnes, quoique nous eussions beau jeu, car dans une petite ville on voit tout, on sait tout ; mais nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que ce sont précisément les personnes qui paraissaient le plus désirer une salle de spectacle, qui en ont encouragé l’érection et dont la position pécuniaire est loin de s’opposer à de si faibles dépenses ; ce sont ces mêmes personnes sur le concours desquelles on devait le plus compter, qui désertent maintenant une salle qui dont elles semblaient d’avance avoir pris possession et qui ainsi vides des loges qu’elles savaient leur être destinées ! d’où vient donc ce changement si subit ? Pourquoi cette indifférence ou même ce dégoût pour le théâtre ? Il peut exister quelques personnes dont l’âme timorée et les sentiments religieux ne permettent pas la fréquentation d’un pareil temple, mais il en est beaucoup qui ne peuvent avoir ces scrupules et dont le goût pour les plaisirs mondains n’est pas un problème. On pourrait peut-être encore concevoir que chez quelques personnes toujours préoccupées de grandes spéculations commerciales, l’esprit se trouvât ainsi éloigné de toute participation aux jouissances artistiques, aux plaisirs moins positifs de la société ; mais les dames doivent-elles partager ces sentiments et déserter un monde qui les réclame et qui a besoin de leur présence ? Non, sans doute, et plus nous cherchons à nous expliquer ce qui se passe, moins nous pouvons nous en rendre compte. Nous savons que l’esprit humain est sujet à de grandes bizarreries, mais il y a ici quelque chose de plus que de la singularité, il y a dans un tel résultat de désillusionnement, déception pour l’homme qui a sacrifié son temps et son argent et son argent à élever aux habitants de Cognac, un édifice destiné à leurs plaisirs et qui semble devenir pour la plupart, un sujet de dédain ! Puis croyez donc aux promesses et aux protestations !
Les articles sont issus de la presse charentaise conservée à la bibliothèque mu nicipale de Cognac et sont consultables en salle d'études sur demande. Pour plus de renseignements sur les conditions d'accès et de consultation, cliquez ici.
Faits-divers d'autrefois
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Anesthésie à l’éther, dimanche 12 avril 1847
extrait de "L'indicateur de Cognac : journal commercial, littéraire, agricole..."

Il y a quelque temps nous avons publié un article communiqué sur une opération chirurgicale pratiquée pendant le sommeil obtenu par l’inhalation de l’éther, par le docteur Gay de cette ville. Le succès de cette opération et de plusieurs autres qui ont eu lieu dans différentes localités, ne permet pas de douter de l’excellence de cette découverte qui est un immense bienfait pour l’humanité.
Cependant dans l’intérêt même de cette découverte précieuse qui comme tout ce qui est nouveau est susceptible d’être contesté, nous croyons qu’il est du devoir de la presse de publier les faits qui viennent à sa connaissance, et c’est ce sentiment qui nous oblige à relater le fait suivant.
Une demoiselle Matignon de Cognac, malade depuis longtemps, était particulièrement atteinte d’une tumeur osseuse au genou. Il n’y avait d’autre moyen que l’amputation, mais cette pauvre femme reculait devant une pareille opération. Cependant l’expérience qu’on avait faite sur l’inhalation d’éther la détermina à y consentir. Le docteur Pellisson chargé de cette tâche prépara l’appareil et l’opération préparatoire de l’inhalation commença. Mais à la grande surprise du médecin et des assistants, on ne put obtenir qu’un sommeil imparfait qui ne permit pas d’entreprendre la section. En effet la patiente ouvrait les yeux, remuait les bras et paraissait comprendre tout ce qui se disait autour d’elle. On remit l’opération à une autre fois. Un second essai produisit exactement les mêmes résultats. Enfin cette malheureuse fille s’armant de courage et de résignation déclara qu’elle consentait à être opérée de quelque manière que ce fût. Alors on lui fit recommencer l’inhalation d’éther et au bout de près de deux heures, obtenant toujours les mêmes résultats, on se décida à enfin commencer l’opération.
Cependant au moment même où l’on allait commencer, un assistant lui demanda de lui serrer la main, ce qu’elle fît. Et aussitôt le médecin ayant relevé sa chemise pour donner le premier coup de couteau, par un mouvement de pudeur elle chercha à la baisser. Elle entendait, elle comprenait donc tout ce qui se passait autour d’elle ; aussi le médecin ne comptait-il pas sur le secours de l’éther.
Mais voici bien une plus grande surprise ! Au lieu des vives sensations et des cris ordinaires, pas le moindre mouvement, insensibilité complète pendant tout le temps de l’opération. Et cependant la patiente avait toujours les yeux ouverts, regardait les assistants, et paraissait jouir de toutes ses facultés intellectuelles. Il y a plus, l’opération terminée et plus de 20 minutes après, mais alors que la sensibilité était toujours suspendue par l’influence de l’éther, elle a répondu qu’elle ne souffrait pas et qu’elle était toujours décidée à se faire opérer : elle ne s’était nullement aperçue de l’opération. Plus tard, les effets de l’éther ayant cessé, elle a souffert comme dans les opérations ordinaires,mais aucun cas grave ne s’est déclaré. Mais c’était, comme le disent les gens de l’art, un pauvre sujet. Et de graves affections internes ne lui auraient pas permis de vivre longtemps. Aussi une faible hémorragie s’étant manifestée dans la seconde nuit, elle est morte le deuxième jour à midi.
Tout le monde sait que l’amputation d’une cuisse et surtout quand elle a lieu, comme dans la circonstance, très près du tronc, présente beaucoup moins de chance de réussite que d’insuccès, à plus forte raison quand le sujet est déjà très malade. L’autopsie du cadavre a prouvé plusieurs lésions internes et particulièrement celle des poumons.
Dans tous les cas et ce qui est le plus important pour la science, c’est qu’on a la certitude que l’influence de l’éther n’est pour rien dans les accidents qui ont suivi l’opération.
Un autre point très important et qui est digne de toute l’attention des médecins, c’est la différence des effets de l’inhalation éthérée. Ainsi elle produira chez les uns un sommeil ordinaire, les yeux fermés et toutes les facultés suspendues, et chez les autres au contraire, elle ne fera que suspendre ou annihiler la sensibilité. Peut-être sera-t-il impossible de jamais donner des explications satisfaisantes à cet égard, mais nous constatons ce fait avec le désir que cette question importante soit examinée.
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Faits-divers d'autrefois
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Inondation dimanche 22 janvier 1843
extrait de "L'indicateur de Cognac : journal commercial, littéraire, agricole..."

Enfin la pluie, le tonnerre et la tempête ont cessé, la température a repris son cours naturel, nous voici revenus à notre état normal ; heureux d’être sortis de ce cataclysme, de cette révolution terrestre, sans avoir de trop grands malheurs à déplorer.
Mardi dernier, 17 du courant, la Charente présentait vraiment un aspect effrayant, comparé surtout à la tranquillité ordinaire de son cours. Non seulement elle couvrait les vastes prairies qui la bordent, mais elle avait envahi de ses eaux bouillonnantes et vaseuses, une partie des maisons du faubourg et celles de la ville avoisinant le port. Cette fois les calculs qu’on avait faits, d’après les crues ordinaires du fleuve, ont été déjoués ; le débordement a dépassé toutes les prévisions. Aussi si nous n’avons pas à signaler de ces fâcheux sinistres dont les habitants des bords du Rhône furent victimes, ne pouvons-nous point nous flatter d’avoir conjuré touts les accidents : ici c’est un boulanger qui voit son usine envahie par les eaux, là un charron, ailleurs des marchands ont à subir des pertes plus ou moins considérables. Il est aussi des maisons bourgeoises dont les appartements bas ont eu beaucoup à souffrir et dont les propriétaires surpris à l’improviste, ont eu à peine le temps de monter au premier où pendant 24 heures qu’à duré la grande crue, ils ont été forcément consignés. Sur un autre point c’étaient des meuniers qui entourés d’eau comme un vaste lac, travaillaient laborieusement à sauver des mulets, des cochons, que les eaux menaçaient de noyer dans leurs toits. Puis des arbres arrachés, des murailles renversées, des bois entraînés par le courant, : tout cela offrait un tableau aussi inquiétant que nouveau pour la localité. Aussi que de curieux ce spectacle avait attirés sur les quais, sur le pont, partout où l’on pouvait voir les effets de l’inondation ! Là le sentiment de la crainte et celui de l’admiration et de la surprise absorbaient toutes les facultés ; on se questionnait, on interrogeait surtout les vieillards qui tous affirmaient n’avoir rien vu de semblable depuis 1783 où il y eut un débordement à peu près aussi considérable. Ainsi il y aurait 59 ans que les eaux de la Charente n’auraient atteint une si grande hauteur : que d’événements se sont passés depuis ! Et pourtant nous voilà revenus au même point.
Dès le lundi 16, l’inondation était très considérable et l’on pensait généralement qu’elle était rendue à son apogée. C’est cette sécurité très mal fondée qui a amené les accidents que nous venons de signaler ; car l’eau ayant considérablement grossi dans la nuit, tout le monde a été surpris et il est vraiment étonnant qu’il n’y ait pas eu de plus graves sinistres. Le lendemain la décroissance était très sensible et l’eau n’atteint plus maintenant qu’un niveau très ordinaire dans les débordements du fleuve. Du reste rien de plus alarmant n’est parvenu à notre connaissance et nous avons l’espérance que notre localité en aura été quitte pour les quelques dommages dont nous venons de parler.
Mais s’il en est ainsi pour nous, il paraît que les choses ne se sont pas passées partout aussi bénignement. Voici sur ce sujet quelques détails que nous fournit le Charentais, journal d’Angoulême, du 18 janvier.
Dimanche 29 janvier 1843
Nous nous applaudissions de n’avoir pas à déplorer de graves dommages, de grands malheurs par suite des débordements extraordinaires de la Charente, et nous avions raison, car jusqu’ici aucun accident important n’était parvenu à notre connaissance ; mais notre satisfaction a été de courte durée, et si l’événement dont nous allons rendre compte n’a pas pour cause unique et immédiate l’inondation elle-même, la grande crue des eaux a hautement contribué à son fâcheux accomplissement.
Jeudi dernier, vers midi, la gabare du nommé Roy de Vibrac, remontait la rivière, conduite seulement par le frère de Roy, et un jeune garçon à son service. Arrivée sous le pont de Cognac, Roy étant au gouvernail, était tout préoccupé à donner des instructions au jeune homme qui l’aidait dans la manœuvre, lorsque tout à coup il se sentit pris entre le bout de la barre du gouvernail et la paroi intérieure du cintre de l’arche sous laquelle se trouvait la gabarre, et malgré tous ses efforts pour se dégager, il ne put y parvenir ; la hauteur de l’eau rendait ce passage très difficile ; cependant la gabare hâlée par deux bœufs, selon l’usage, sortit de dessous le pont, mais le malheureux Roy avait été tellement pressé pendant ce court trajet, qu’il tomba à l’eau aussitôt que le point de résistance eût été dépassé. On le retira aussitôt de la rivière, mais dans l’état le pus affreux : la pression avait été telle dans la partie abdominale que les boyaux sortaient par une ouverture de plusieurs centimètres. Un médecin immédiatement appelé lui a donné les premiers soins ; les intestins rentrés et la suture opérée sans accident, on espérait le sauver. Mais les ravages intérieurs étaient trop grands, et 4 heures après ce malheureux expirait dans une maison du faubourg où il avait été transporté. Cet homme âgé seulement de 34 ans laisse une veuve et des enfants en bas âge.
Cet événement nous a fourni l’occasion de faire une triste observation : il paraît que des meuniers chez qui on avait déposé le malheureux Roy, ont montré peu de dispositions à le recevoir et qu’ils ont même exigé qu’on le transportât ailleurs, après les premiers pansements. Sans doute le préjugé est entré pour beaucoup dans ce procédé, mais il est déplorable qu’un sentiment d’humanité qui devrait seul prévaloir en pareil cas, ne soit pas assez puissant pour l’emporter sur toute autre pensée. L’accident peut être tel que ce refus d’asile amène les plus graves conséquences, et alors quels reproches amers ne mériteraient pas ceux qui les auraient provoqués ! Le bon sens autant que la philanthropie repousse une pareille conduite que nous avons peine à comprendre et que nous blâmons hautement de toutes nos forces.
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Incendies et pompiers, 8 septembre 1844
extrait de "L'indicateur de Cognac : journal commercial, littéraire, agricole..."

Notre ville vient d’être le théâtre d’un sinistre très grave, mais qui sans l’heureuse disposition des lieux aurait eu probablement des résultats encore bien plus fâcheux.
Mardi dernier, vers les 7 heures du matin, le feu s’est déclaré dans une maison appartenant à la veuve Landreau, située près le champ de foire. Voici les circonstances qui se rattachent à cet événement.
Le gendre de la veuve Landreau est charron comme l’était son beau-père. Ayant une charrette à ferrer, il avait placé la ferrure dans une espèce de cheminée destinée à cet usage. Pour rendre les bandes de fer suffisamment incandescentes, il fallait faire un grand feu, car on employait des copeaux qui produisent moins de chaleur que ne ferait tout autre combustible, et surtout le charbon de terre, mais on en avait toujours agi ainsi. Cependant le tuyau de la cheminée ne put bientôt plus suffire au dégagement du calorique qui se fit jour en crevant ce même tuyau. Aussitôt la flamme s’échappe, s’empare de la charpente du petit appartement très-bas où l’on chauffait le fer et se dirige promptement vers une autre partie du bâtiment plus élevée où se trouvait la chambre du garçon . Celui-ci craignant pour ses effets, court à sa chambre déjà enflammée, en retire sa malle qu’il traîne dans une chambre voisine. Mais pour cela il ouvre une porte de communication qui établit aussitôt un courant d’air qui donne à l’incendie une horrible puissance. À partir de cet instant, la flamme poussée par un grand vent du nord, s’empare du surplus de la maison qui se trouvait au midi, et malgré les secours les plus empressés, dans moins d’un quart d’heure tout est dévoré. Il n’est resté de ce bâtiment que les murailles et encore plusieurs sont fortement endommagées. Heureusement les flammes n’ont plus trouvé d’aliment à leur fureur que rien ne pouvait calmer, car la maison incendiée est la dernière du côté du champ de foire qu’elle joint immédiatement au midi. Le voisin du côté du nord n’avait rien à craindre, le vent dirigeant toujours les flammes au midi, et celui au levant était séparé par un bon mur qui n’a pas été attaqué. Au couchant est la rue.
La maison était assurée ainsi que le mobilier dont on n’a presque rien sauvé, tant le feu a eu promptement dévoré sa proie.
M. Penevert, agent de la compagnie Royale, à laquelle les objets étaient assurés, s’est empressé de se transporter sur les lieux où procès-verbal de l’événement a été dressé. La Compagnie s’empressera sans doute de régler ce sinistre auquel la malveillance est tout-à-fait étrangère.
Ordinairement lorsque la presse est appelée à signaler un fait comme celui que nous venons de rapporter, elle a presque toujours quelque chose à ajouter au récit des faits en eux-mêmes, un mot soit de blâme, soit d’éloge pour les personnes dont le zèle se serait plus ou moins fait remarquer, pour celui plus ou moins heureux des pompiers, lorsqu’il y a des pompiers, et il est rare que la promptitude et la bonne direction des secours n’aient pas produit un heureux résultat, n’aient pas empêché de plus grandes pertes. Ici le zèle des citoyens n’a certainement pas fait défaut, mais il eût été plus grand encore si la chose était possible, qu’il n’eût pas été couronné d’un meilleur succès ; car par la manière dont l’incendie s’est déclaré et d’après la situation des lieux, le bâtiment tout entier qui a brûlé, et qui est du reste peu étendu, devait nécessairement être dévoré. Avec la meilleure volonté les secours ont donc été et devaient être à peu près infructueux.
Quant aux pompiers, nous leur devons un petit mot particulier.
Et d’abord nous devons commencer par déclarer que nous ne doutons pas et que nous n’avons jamais douté du bon vouloir et du zèle de chacun des pompiers en particulier : sous ce rapport ils méritent les éloges que doivent partager la plupart des citoyens de la ville.
Mais la compagnie des pompiers comme corps organisé spécialement pour les cas d’incendie, ne présente pas selon nous toutes les garanties qu’on peut en attendre.
Le premier besoin c’est d’avoir des pompes en bon état. Or nos pompes sont telles que leur service est presque nul. Le meilleur ouvrier ne peut rien faire de bien avec de mauvais instruments. Les frais d’entretien des pompes sont à la charge de la ville, mais c’est aux pompiers et surtout au chef de la compagnie à surveiller cet entretien pour lequel la ville ne refusera jamais de fonds. À quoi sert donc cette espèce de promenade mensuelle faite avec tant de fracas, tambour en tête ? Nous avions cru que c’était pour s’assurer si les pompes sont en bon état. Nous savons bien que cette cérémonie est ordinairement l’occasion d’une petite fête, mais nous pensions que le but réel était sérieux. Et notez que lors de l’incendie en question il n’y avait pas deux jours que cette promenade des pompes, avec accompagnement de dîner, etc, avait eu lieu. Certes nous ne voulons pas ici nous ériger en critique sévère, en trouble fête, mais nous souhaiterions dans l’intérêt public que MM. Les pompiers adoptassent des idées plus en rapport avec l’importance et la haute utilité de leurs missions.
D’un autre côté, le zèle et l’empressement à porter des secours ne suffisent pas, surtout de la part du corps des pompiers qui est censé se composer d’hommes spéciaux ; il faut encore de l’entente dans le commandement, de l’ordre, de la discipline dans l’exécution : c’est une sorte d’assaut à livrer et l’ennemi ne recule pas, au contraire il avance toujours. Dans ce cas les pompiers ne sont plus une réunion de simples citoyens, c’est en quelque sorte une compagnie militaire avec ses chefs et soldats, les uns commandant et les autres obéissant ; mais pour cela il faut des gens qui sachent commander, des gens qui sachent obéir.
Il nous serait pénible de dire que ces deux éléments substantiels manquent absolument, mais ils laissent beaucoup à désirer. Que dans la Garde Nationale, il y ait quelque quiproquo, quelque fausse manœuvre soit dans le commandement soit dans l’exécution, on peut en rire, et voilà tout ; mais lorsqu’il s’agit des pompiers en présence de l’incendie c’est une autre affaire, on ne rit pas d’une faute, d’une balourdise, on en déplore les funestes conséquences. Toutefois nous le répétons, nous ne nous adressons point aux personnes que nous serions au désespoir de blesser, mais nous devons voir la chose en elle-même, abstraction faite des personnes, et dire la vérité dans l’intérêt public dont nous sommes l’organe naturel. Or cet intérêt public qui est notre seul mobile nous oblige à dire que la compagnie des pompiers a besoin de certaines réformes, qu’elle est une organisation sérieuse et que dans l’état actuel des choses elle est loin d’atteindre le véritable but de son institution : maintenant notre tâche se borne à cet enseignement, c’est à l’autorité locale à aviser aux moyens de remédier à cet inconvénient.
Peut-être malgré la réserve et la circonspection dont nos observations sont empreintes, se trouvera-t-il des personnes qui ne les approuveront pas. à cet égard notre parti est pris depuis longtemps : en acceptant la tâche pénible de défendre l’intérêt général trop souvent en contact avec les vues ou les intérêts particuliers, nous avons dû nous attendre si non à trouver des ennemis réels, du moins à rencontrer de l’opposition, à subir la mauvaise humeur des mécontents ; mais quand on est fort de sa conscience, et qu’on défend des droits sacrés qui ne sont pas les siens particuliers, on n’a rien à craindre et l’on marche hardiment dans la voie du devoir.
Il paraît qu’à la suite du sinistre que nous venons de rapporter, une quête a été faite en faveur des victimes de cet événement. Nous devons avouer que nous ne comprenons pas trop cette démarche en présence du fait que tout, mobilier, outils, la maison et ses dépendances, enfin tout ce qui a été la proie des flammes, était assuré et sera par conséquent payé par la Compagnie. Nous supposerons même que ce sinistre portât quelque préjudice aux propriétaires incendies, ce qui ne sera probablement pas dans la circonstance, s’en suivrait-il qu’on devrait faire une quête pour réparer cette perte ? Ferait-on la quête pour un individu, qui possédant 20 000 francs, en perdrait 3 ou 4 mille par un accident quelconque ? Nous ne comprenons pas tout-à-fait ainsi la charité : on doit venir au secours de ceux qui n ‘ont rien, qui ont besoin, mais parce qu’un malheur frappe une famille en lui enlevant une partie de sa fortune, est-ce la cas d’implorer la pitié publique ? On n’a donc pas réfléchi qu’une aumône si mal entendue tourne au préjudice des véritables pauvres, de ceux qui sont dans le plus profond dénuement ? Et pourtant il ne manque pas de véritables malheureux !
Certes nous sommes loin de blâmer précisément les personnes qui ont eu cette idée, et qui se sont chargées de cette pénible mission, mais nous regrettons qu’elles n’aient pas mieux compris la question et qu’elles n’aient pas gardé leur bon vouloir et leur influence pour une meilleure occasion. Nous serions même étonné que la famille incendiée voulût accepter les conséquences de cette erreur qui devient presque une injustice pour les véritables indigents : nous espérons qu’elle n’acceptera pas et que les sommes recueillies auront une autre et plus utile destination ; s’il en était autrement nous reviendrons sur le sujet et nous ferions connaître la véritable position des incendiés.
Dimanche 15 septembre
D’après les renseignements qui nous sont parvenus relativement à la quête commencée en faveur des victimes de l’incendie dont nous avons parlé dans notre dernier numéro, il paraît que mieux informées ou par suite de quelques sages réflexions, les personnes qui l’avaient entreprise ont renoncé : nous les en félicitons. On nous a aussi assuré que les incendiés avaient été déclarés être restés étrangers à ce qui avait été fait dans cette circonstance et qu’ils n’entendaient nullement profiter des sommes qui avaient pu être recueillies.
Quant au premier point, celui de savoir si oui ou non les incendiés sont restés étrangers aux démarches qui ont été faites pour la quête, nous pensons et pour cause qu’il doit rester à l’état de question, sauf à décider plus tard si nous le croyons nécessaire.
Mais pour ce qui est du refus qu’ils font et qu’ils devaient faire de la collecte, nous constatons avec plaisir cet acte de justice dont nous congratulons les auteurs. De cette manière le montant de cette quête recevra sa véritable destination qui était de soulager le malheur, la misère, car il sera sans doute déposé à un bureau de bienfaisance. Nous en ferons connaître le chiffre quand ce dépôt aura été effectué.
En attendant et tout en reprochant doucement aux personnes charitables qui avaient entrepris cette pénible tâche, d’avoir peut-être trop promptement cédé à un sentiment toujours honorable, nous les remercions d’avance au nom des véritables pauvres de la commune du secours extraordinaire et toujours si utile qui leur est procuré. Nous espérons du reste que la petite erreur que trop de précipitation peut-être a seule fait commettre dans cette circonstance, et les paroles qu’elle nous a suggérées, ne ralentiront en rien le bon vouloir et le zèle philanthropique qui caractérise les auteurs de la quête. Nous ne croyons pas avoir besoin d’ajouter que de pareils sentiments trouveront toujours l’approbation et le concours de la presse locale.
Il y avait au surplus dans ce fait d’une quête à l’occasion d’un incendie où tout était assuré, un inconvénient qui soulève une question de morale : le principe fondamental des assurances est que l’incendie ne peut jamais être une cause de bénéfice pour l’assuré ; il ne doit y trouver qu’une juste mais stricte indemnité à ses pertes ; autrement l’institution en elle-même serait réellement immorale. Or si à cette juste indemnité on joint une quête, c’est violer le principe des assurances indirectement ; c’est plus encore, c’est reconnaître que l’assurance est insuffisante et par conséquent porter atteinte à son institution.
Ce sont ces raisons jointes à celles que nous avons déjà énoncées qui ont été les seules causes de nos observations. Un pareil langage ne peut pas prêter à l’interprétation.
Dimanche 29 septembre 1844
Nous espérions pouvoir annoncer aujourd’hui le dépôt à un bureau de bienfaisance du produit de la collecte faite à l’occasion de l’incendie de la maison Landreau, mais puisqu’il paraît qu’on persiste dans la mauvaise voie dans laquelle on s’est engagé, nous persistons aussi à remplir jusqu’au bout notre mission que nous regardons comme trop sacrée pour céder à aucune espèce de considération.
On nous a assuré que la somme recueillie s’élevait à 450 et quelques francs et qu’elle a été remise aux mains du sieur Lamy, gendre de la veuve Landreau. La source des ces renseignements nous permettant d’y ajouter foi, nous considérons le fait comme positif, et là-dessus nous expliquerons notre pensée.
Avant tout nous allons poser des chiffres : un raisonnement établi sur de pareilles bases offrira, nous l’espérons, un édifice assez solide pour qu’on ne puisse pas facilement le détruire.
Les époux Landreau étaient assurés, savoir :
la maison pour 4500 fr, 4500 fr.
le mobilier pour 800fr 800
les marchandises pour 700 fr 700
Total 6000 fr.
Presque tout ce qui était mobilier et marchandises a brûlé, mais il n’en est pas de même de la maison, dont la plupart des murs, un escalier et une partie du plancher ont été préservés. Du reste cela ne fait rien, car la compagnie remboursera tout ce qui sera légitimement dû, de manière à ce que la position des assurés reste la même qu’avant le sinistre. Par conséquent ils auront donc après règlement une valeur réelle de mobilier, marchandises et maison de 6000 fr ., plus la valeur du terrain que nous porterons à 500 fr. à la vérité on nous a dit qu’il y avait quelques dettes pouvant s’élever à 7 ou 800 fr., et que nous portons pour n’être pas au-dessous du chiffre réel à 1000fr. Il resterait une fortune nette de 5500 fr. aux incendiés, en admettant encore, ce qui n’est guère vraisemblable, que le gendre Lamy qui épousait une fille unique aisée pour sa condition, n’ait rien porté de son côté. Or nous le demandons, est-il possible de considérer comme malheureux des ouvriers sans charges extraordinaires, qui possèdent un avoir réel de 5 à 6000 fr., surtout quand à la tête de la maison se trouve un jeune homme ayant un bon état et de bons bras pour l’exercer ?
Nous comprenons que par suite du grand zèle philanthropique qui paraît animer les personnes qui ont entrepris la quête, par trop de précipitation à accomplir un acte louable en lui-même, on ait commis une erreur, mais que l’erreur une fois reconnue on persiste dans la mauvaise voie, voilà ce que nous ne comprenons plus. Il y a surtout dans cette affaire un point culminant qui aurait dû frapper l’esprit des auteurs de la quête : c’est que faire une collecte pour des assurés qui doivent être suffisamment indemnisés de leurs pertes, c’est consacrer une immoralité, car le principe moral qui s’oppose à ce qu’un assuré puisse gagner à l’incendie se trouve violé, puisque tout lui étant exactement remboursé, on lui fait en outre une somme quelconque. Les conséquences d’un tel fait sont vraiment effrayantes pour les compagnies.
D’un autre côté faire la quête pour des personnes qui possèdent, qui ont du bien, qui sont même aisés dans leur condition, c’est frustrer les véritables pauvres, c’est leur enlever une partie de leurs ressources, car tel qui a donné 5 fr. pour les incendiés les donnera de moins dans ses autres aumônes : son budget de charité se trouvera grevé ainsi d’un impôt illicite dont les malheureux auront à souffrir.
Ces raisons sont bien puissantes, mais il y a encore quelque chose de plus, c’est que M. le Maire à qui on avait demandé l’autorisation de faire la quête en question, comprenant que ce n’était pas le cas d’une quête en raison de la position de fortune des incendiés, a refusé son autorisation, et que malgré cela la quête a eu lieu. Pourquoi en a-t-on agi ainsi ? Nous le savons peut-être mais ne le dirons pas… Ce que nous savons certainement c’est que dans plusieurs maisons les personnes qui se sont chargées de cette mission ont subi des observations justes sur l’inopportunité de leurs démarches, et qu’elles se sont adressées à des habitants dont l’avoir est de beaucoup inférieur à celui des incendiés.
Jusqu’à ce moment nous avions espéré que ces derniers mieux conseillés par leur conscience, auraient fait le dépôt à quelque bureau de bienfaisance de la somme qui leur a été remise ; mais on vient de nous assurer qu’on ne leur avait pas donné ce produit en espèces, mais qu’il avait été converti en linge, vêtements, etc. Ainsi on tenait à ce que l’œuvre si malheureusement commencée fût consommée sans retour ! Ainsi un jeune homme de 25 à 30 ans, ayant un bon état et possédant un avoir de 5 à 6000 frs. Va se vêtir aux dépens des malheureux qui manquent de haillons pour se couvrir et qui viendront cet hiver grelotter à nos portes ! Nous sommes étonné qu’on puisse se familiariser avec cette pensée.
Heureusement, et nous nous hâtons de le dire, ce n’est pas ainsi qu’en général on comprend la charité à Cognac. Non seulement la bienfaisance se trouve dans tous les habitants qui peuvent l’exercer de grandes sympathies, mais encore nous savons qu’il y a dans la distribution des aumônes une entente, une justice qui n’ont rien de commun avec le fait que nous signalons. Nous espérons que l’improbation générale qui se rattache à ce fait et dont la presse locale a cru devoir se rendre l’écho, n’aura aucune fâcheuse influence sur les sentiments philanthropiques qui caractérisent nos concitoyens : comme par le passé la voix du malheur sera toujours entendue ; et peut-être Lamy lui-même, plus tard, lorsqu’il aura augmenté sa fortune et fait fructifier les 450 fr. qu’il a puisé dans la caisse des pauvres, leur fera-t-il l’aumône de quelques morceaux de pain !
Dimanche 13 octobre
Le sinistre de la maison Landreau dont nous avons déjà parlé, vient d’être définitivement réglé par la Compagnie Royale. Après une première expertise dans laquelle il s’était glissé une erreur matérielle assez considérable, la somme à payer par la compagnie a été arrêtée par les mêmes experts à 3,625 fr. et 20 c., savoir : pour les immeubles 2283 fr. 20 c., et pour les meubles et marchandises 1352 fr. Ainsi il a donc été sauvé de l’incendie une valeur de 2 364 fr. 80c dont 2216 fr. 80c sur les immeubles, et 148 fr. sur les meubles et marchandises. Cette somme de 3635 fr. 20 c vient d’être comptée par l’agent de la Compagnie Royale.
Nous savons de source certaine que les 2283 fr. 20 c applicables à la maison incendiée seront non seulement suffisants pour la rétablir dans son état primitif, avec cet avantage du neuf sur le vieux, mais encore qu’il y aura quelque chose comme 3 ou 400 fr. de boni. Si donc comme le prétend Lamy le mobilier était assuré pour une somme au-dessous de sa valeur réelle, les incendiés seraient indirectement indemnisés de cette perte. Il est maintenant positif et incontestable que la position des incendiés est au moins aussi favorable qu’elle l’était avant le sinistre. Et dans un pareil cas qu’on s’empresse de faire une quête ! Et les prétendus indigents qui possèdent toujours un avoir de 6000 fr. n’ont point eu honte de recevoir le produit de cette malencontreuse quête au préjudice des malheureux qui continuent à venir tendre la main à nos portes !
On nous a dit qu’une personne que nos observations contrariaient avait eu l’intention d’y répondre. Nous eussions accueilli comme nous accueillerons encore cette réponse, quelle qu’elle fût, si l’on revenait à cette idée que l’on paraît avoir abandonnée ; mais nous devons avouer que nous n’avons jamais compris d’autre réponse que celle, qui n’est malheureusement plus possible, qui contiendrait la quittance du montant de la quête, émanée d’un bureau de charité.
Au surplus, à moins qu’on ne nous y force, nous ne parlerons plus de cette malheureuse affaire, qui bouleverse et révolutionne toutes les idées de charité et de bienfaisance. Que les 450 fr. profitent à cette famille qui les a si bien mérités !
À l’instant on nous donne de nouveaux renseignements sur cette affaire, desquels il résulte que l’expert des incendiés, M. Deménieux, leur a fait remise de ses honoraires et que l’expert de la compagnie recevant d’une main ses honoraires les a remis de l’autre à Lamy : de plus l’agent de la compagnie l’Urbaine qui avait droit à un recours pour dégâts faits à une maison voisine assurée par elle, a renoncé à l’indemnité qui lui était due. Ainsi tout le monde leur donne, ils sont donc insatiables !
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